Le sonneur de cloche.
Pour les Bleus et les Rouges présents à l'Ecole en 1960.
Octobre 1959 : Elève de troisième, j'obtiens ma première charge dans l'Ecole : sonneur de cloche, régulateur des horaires de cours et des articulations journalières (récréations, débuts et fins d'études surveillées, repas). Heureusement dispensé de sonner « La Diane » et l'extinction des feux, je porte dorénavant la montre de « fonction » me conférant la jouissance de quitter les cours et l'étude cinq minutes avant les autres pour aller tirer la corde pendante entre le réfectoire des Bleus et des Rouges. Le mercredi 11 mai 1960 - 15 heures 55. Je quitte le cours de maths; monsieur Arnaud, de son mètre cinquante cinq, me toise fort étonné, regarde sa montre, je vérifie la mienne, nous comparons nos heures... La mienne est « officielle » ! Je sors pour envoyer ma volée de cloche. Les cours de l'après-midi étant ainsi suspendus, monsieur Laplanche, surveillant principal de notre division, sur injonction du père Poudat (censeur), nous fait mettre en rangs à coups de sifflet sous le préau. A cet instant, le Révérend Père Prieur Montserret (alias le TREPS, pour Très RÉvérent Père Supérieur) apparaît, fond sur moi, sourcils froncés : « Vous le saviez ! Vous l'avez fait exprès ! » Tombant des nues, je balbutie : « ... Pas du tout... Mon Père ! De quoi s'agit-il ? » - « Vous avez sonné la fin des cours un quart d'heure trop tôt ! » et sans me laisser le temps de revérifier la montre, il conclue avec un sourire crispé appuyé d'un soupir : « ... Bon ! Cette méprise va nous permettre d'assister pleinement à la cérémonie du lancement de « FRANCE » !» Il donne l'ordre au pion n° 2 de nous conduire à « La Salle des Bustes » où nous retrouvons les « Collets Rouges » et les pères, déjà installés devant le récepteur de télévision à contempler l'arrivée cocardière des ministres, des membres du Gouvernement, le Général en tête, dans la tribune officielle. A 16 heures 15 « pétantes », ce mercredi 11 mai 1960 à Saint-Nazaire, Yvonne de Gaulle lance le magnum de « Cordon Rouge » sur l'étrave du gigantesque paquebot. L'énorme masse commence à glisser vers son élément définitif, entraînant d'impressionnantes grappes de chaînes freinant son élan dans le bassin des chantiers navals. Le premier contact de « FRANCE » avec la mer suscite une grande émotion dans l'illustre salle, suivie d'applaudissements spontanés. Même Georges Bortoli qui assure le reportage sur la RTF se fait des noeuds dans la gorge... Viennent les « cocoricos » ! Marseillaise et discours ! Finalement le « timing » était au « top »; je ressors blanchi, presque en héros, de la « Salle des Illustres ». Sans trop faire preuve d'initiative, il faut par moment oublier de remettre les pendules à l'heure. A la rentrée suivante, mon poste sera supprimé et remplacé par des sonneries électriques à commande centralisée chez le Censeur. Tant pis pour les extravagances. Par Jean-Marie Bellon. |
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